George Barbier - La Danse, tiré à part pour Modes et Manières d'Aujourd'hui (1914)
Exceptionnelle gravure sur papier japon rehaussée à l'encre de chine et à l'or d'une composition de George Barbier pour l'album Modes et Manières d'Aujourd'hui. La planche parue dans Modes et Manières d'Aujourd'hui portait le titre La Danse.
Titre | George Barbier - La Danse, tiré à part pour Modes et Manières d'Aujourd'hui (1914) |
Type | Estampe |
Édition | Paris, Maquet pour Pierre Corrard, 1914 |
Description |
1 planche lithographique tirée en noir, rehaussée à l'encre de chine et à l'or. Signature et date imprimées dans la planche. |
État | Bon état. |
Dimensions | 300 x 240 mm (feuille) ; 208 x147 mm (cadre) |
Le justificatif de tirage du recueil Modes et Manières d'aujourd'hui illustré par George Barbier indique qu'il a été tiré à 300 exemplaires dont :
- Douze exemplaires, réimposés, sur grand papier du Japon provenant des Manufactures de Shidzuoka, dédicacés, comprenant chacun un des originaux ayant servi à l'illustration de l'ouvrage et une suite en noir et or, numérotés de un a douze,
- Dix-sept exemplaires, sur papier du Japon, dédicacés, avec remarques originales, numérotés de treize a vingt-neuf,
- Deux cent soixante et onze exemplaires sur le même papier numérotés de trentre à trois cents.
Le recueil Modes et Manières d'aujourd'hui par George Barbier est composé de 12 planches par George Barbier et de 12 poèmes par Henri de Regnier. Le poème relatif à la planche intitulée La Danse est le suivant:
"Je suis beau. Mon corps maigre, que vêt une ample robe d'or, s'incruste dans le panneau de laque noir qu'ornementent mon chapeau pointu et mes chaussures recourbées. L'artiste chinois qui m'a représenté m'a fait des moustaches tombantes et des ongles démesurés, qui attestent, par leurs pointes aiguës, la noblesse de ma vie.
EIlle fut vagabonde. Dès que les pinceaux et les enduits eurent fixé mon image dorée, un marchand vénitien m'acheta et m'emporta dans sa ville lointaine. Le patricien, auquel il me vendit, m'accrocha dans une des salles de son palais. Là, entre deux miroirs de Murano, j'ai assisté à des scènes galantes et courtoises. J'ai vu des gens soulever leurs masques de carton blanc pour boire des sorbets et manger des fruits glacés. Toutes les grâces de Venise ont paradé devant mes yeux bridés, jusqu'au jour oii un seigneur allemand m'échangea contre une bourse de sequins.
Le Margrave, mon nouveau maître, avait un gros ventre, des yeux bleus et une perruque poudrée. Il aimait la musique et la bouteille. J'ai vu ruisseler la mousse des cruches de bière. L'étiquette imposait bien des révérences et des cérémonies, 21 mais, à certains soirs de tabagie, on ne se gênait pas cependant pour m'envoyer au nez la fumée des grosses pipes de porce- laine. Puis, le Margrave me donna à un lord anglais. Je l'ai vu plus d'une fois rouler sous la table, ivre de claret et de porto.
Aujourd'hui, je ne regrette ni la Chine, ni l'Allemagne, ni Londres la brumeuse, ni Venise au ciel changeant. J'appar- tiens à une jeune dame de Paris qui a pour moi toutes sortes d'égards. Elle m'a suspendu, dans son salon, à la place d'hon- neur. Parfois, du divan où elle s'allonge pour se reposer, elle regarde avec amitié mes longues moustaches et mes ongles acérés. Mais, hélas! elle ne se repose guère et je ne suis que rarement seul avec elle. Passe encore, quand elle reçoit ses amies autour de la table à thé, mais, trop souvent, elle s'aban- donne aux bras de quelque danseur de tango! Alors je sens frémir de jalousie mon maigre corps sous mon ample robe dorée. Ah! comme je voudrais la griffer de mes ongles, de mes ongles que je cache sous les larges plis de mes manches pagodes."
George Barbier, originaire de Nantes arrive à Paris en 1908 pour passer le concours de l'école des Beaux-Arts, il y fut reçu mais préféra s'inscrire à l'atelier J.-P. Laurens où il cotoya notamment Segonzac, Moreau, Boussingault, Boutet de Montvel, Brissaud, Martin, Besnard, Iribe, Lepape. Acclamé dès sa première exposition en 1911, il atteignit rapidement le sommet. Son talent de dessinateur s'exercera dans l'illustration de livres mais aussi dans la création de costumes pour la mode, le théâtre, le cinéma ou le music-hall. Membre de la société des Artistes Décorateurs. On lui doit également des bijoux, du verre et du papier peint.
Il collabore aux plus belles revues de mode de l'époque et l'on retrouve des planches au pochoir de ses dessins raffinés dans les luxueux "Journal des dames et des modes", "Gazette du Bon Ton" ou encore "la Guirlande". La qualité d'exécution de ces magazines placés sous la direction de Jacques de Nouvion, Lucien Vogel et Bruneleschi se retrouve également dans les illustrations de livres que l'artiste apprécie et auxquels il donne, quel que soit le thème traité, l'intemporalité de son trait. Il collabore ainsi avec les meilleurs graveurs du début du siècle qui traduisent avec talent la finesse de son trait : parmi eux on trouve Reidel pour "Le Bonheur du Jour ou les Grâces à la mode", Aubert pour "les Bains de Bade", Gaspérini pour "le Roman de la momie", Schmied pour "Personnages de Comédie", Pierre Bouchet pour "les vies imaginaires". On retrouve unis dans son style aussi bien l'influence de la culture grecque et étrusque que l'extrême finesse de Coromandel.
L'antiquité, le dix-huitième siècle, les miniatures perses, les estampes japonaise se répondent dans un goût de la perfection qui se traduit par un soin extrême apporté aux détails. Ses compositions en couleurs sont souvent bâties comme des miniatures où le second plan n'existe non par la perspective mais par un foisonnement de détails que la couleur vient animer. Paul Valery dans la préface du livre de Maurice de Guérin "Poèmes en prose" illustré par George Barbier, dit de l'artiste : "Tandis que mon vague ramage parle de mythes dans l'abstrait, Barbier les capte d'un pur trait Vainqueur du néant par l'image."
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